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L'expertise médicale en réparation du préjudice corporel : Comment éviter les pièges ?

L'expertise médicale en réparation du préjudice corporel : Comment éviter les pièges ?

L'expertise médicale est un élément essentiel dans les procédures en indemnisation d'un préjudice corporel. Elle permet de déterminer l’étendue du préjudice subi par la victime, en évaluant les conséquences physiques et psychologiques des blessures ou maladies.

Du fait de son importance dans le processus indemnitaire, l'expertise médicale doit être préparée consciencieusement.

Cet article examine les meilleures pratiques pour garantir une expertise de qualité qui permet ensuite une réparation intégrale du préjudice corporel subi.

Pourquoi demander une expertise médicale dans une affaire de préjudice corporel ?

L'expertise médicale est demandée pour établir, de manière précise et objective, l’étendue du préjudice corporel subi par les victimes. Cette évaluation est cruciale, car elle sert de base à l’indemnisation. L’expert médical doit donc évaluer plusieurs aspects du dommage. Dans le cadre de l'expertise, qu'elle soit judiciaire ou amiable (assurances), il est demandé au médecin expert de répondre aux questions de la mission qui lui est confiée.

Les missions contiennent des questions sur la fixation de la date de consolidation de l'état de la victime (date à laquelle son état n'est plus susceptible d'évolution) et sur l'ensemble des postes de préjudices usuels.

  • Les préjudices patrimoniaux avant consolidation  : perte de gains professionnels, dépenses de santé
  • Les préjudices extra patrimoniaux avant consolidation : déficit fonctionnel temporaire, souffrances endurées, préjudice esthétique temporaire
  • Les préjudices patrimoniaux après consolidation : Dépenses de santé, assistance par tierce personne, perte de gains professionnels, incidence professionnelle
  • Les préjudices extra patrimoniaux après consolidation : déficit fonctionnel permanent, préjudice d'agrément, préjudice sexuel, préjudice d'établissement

Le rapport d'expertise médicale permet à l'avocat en droit du dommage corporel d'articuler des demandes chiffrées à l'assurance ou au juge en s'appuyant sur les conclusions du rapport ainsi que sur les pièces fournies par la victime et ses doléances.

Comment se déroule une expertise médicale en réparation du préjudice corporel ?

Une fois ordonnée par le juge ou proposée par l'assurance, le déroulement de l’expertise médicale suit un processus en plusieurs étapes :

1. La convocation de la victime à l’expertise :

Le médecin expert désigné convoque la victime pour procéder à l'examen médical.

La communication du dossier médical de la victime et une préparation qui lui permet de détailler précisément l'impact de ses blessures sur son quotidien, ainsi que les symptômes persistants qu’elle ressent est essentielle.

Pour une bonne préparation de l'expertise, l'assistance par un avocat en droit du dommage corporel est essentielle. S'adjoindre les services d'un médecin conseil de victime est indispensable.

2. L’examen médical :

Le médecin réalise un examen clinique, analyse le dossier médical de la victime (comptes rendus d'hospitalisation, radiographies, examens, analyses, consultations...) et évalue, poste par poste l'étendue du préjudice en lien direct avec le fait générateur (accident...). Au terme de cet examen et de l'analyse du dossier, le médecin fixe une date de consolidation.

3. Le rapport d'expertise :

A l’issue de l’examen, le médecin expert rédige un rapport détaillé, décrivant les préjudices subis. Ledit rapport sera par la suite, transmis à la victime, à son avocat et aux autres parties dont le cas échéant l’assureur. Les conclusions du rapport d'expertise permettent à l'avocat de chiffrer une demande d'indemnisation et au juge d'en fixer le montant ou à l'assurance de formuler une offre.

Pourquoi l'expertise médicale peut-elle poser problème ?

Le médecin est censé être objectif et impartial, mais plusieurs facteurs peuvent remettre en cause sa fiabilité.

1. L’impartialité du médecin expert :

Un expert médical doit respecter une stricte impartialité. Toutefois, dans certaines situations, l’expertise peut être biaisée, notamment lorsque le médecin expert est perçu comme favorisant les intérêts de l'une des parties. Ce peut être le cas, par exemple, des médecins-conseils travaillant pour des compagnies d’assurances, qui peuvent être accusés de sous-estimer les préjudices pour limiter l'indemnisation.

2. Les conflits d'intérêts :

Un expert ayant des liens directs avec l'une des parties (assureurs, employeurs, etc.) peut faire naître des doutes sur l'impartialité de l'expertise. Les victimes pourraient se retrouver dans une situation où l’expertise ne reflète pas fidèlement l’étendue de leur préjudice et par conséquent, biaisé l'évaluation du juge.

Comment bien préparer une expertise médicale ?

Plusieurs mesures peuvent être prises pour éviter que l’expertise ne devienne un piège pour la victime et garantir qu'elle prenne en considération tous les aspects du retentissement du fait dommageable sur la santé et sur les conditions d'existence de la victime.

1. Il y a expert et expert...

Lorsque l'expertise est ordonnée par un juge ou une commission (CCI, CIVI...), la dénomination d'expert est adaptée puisque le médecin désigné est totalement indépendant des parties.

En revanche, on désigne communément sous le terme problématique d'expert, les médecins conseil de compagnie d'assurance qui présentent la particularité d'intervenir de façon habituelle à la demande des compagnies d'assurances.

2. Le rôle de l’avocat dans la préparation :

Le Conseil de la victime joue un rôle déterminant dans la préparation de l’expertise. Lorsqu'une expertise judiciaire est nécessaire, il saisit le tribunal compétent pour solliciter la désignation d'un expert.

Il doit veiller à ce que son client soit en mesure de décrire de manière précise et détaillée les impacts physiques comme psychologiques ainsi que le retentissement sur la vie quotidienne qui sont la conséquence du fait à l'origine du dommage (accident, agression, faute médicale...).

Il communique avec l'expert et s'assure que l'ensemble des pièces médicales lui sont communiquées. Il est le garant du respect des procédures et des droits des victimes.

2. Se faire assister par un médecin conseil de victime

Les contours des différents postes de préjudices et les méthodes d'évaluation médico-légales sont autant de sujets de débats entre médecins.

Afin que l'expertise soit la plus fidèle à l'entier préjudice subi par la victime, il est essentiel solliciter l'assistance d'un médecin conseil de victime qui pourra porter la contradiction auprès de l'expert sur le terrain médical.

Un collectif de médecins conseils de victimes qui n'intervient qu'aux cotés des victimes s'est constitué en association au sein de l'ANAMEVA.

Il est possible de consulter la liste des membres si la victime n'a pas désigné d'avocat, si elle en a désigné un, il saura orienter son client.

Qui paie l'expertise médicale ?

Le paiement des frais d'expertise dépend du cadre de la procédure. Les règles suivantes s’appliquent généralement dans les affaires de dommage corporel :

1. Dans le cadre d’une procédure judiciaire :

La partie qui demande l'expertise (en pratique la victime) doit faire l'avance des honoraires du médecin expert.

Toutefois, en fin de procédure, les frais d’expertise mis à la charge de la partie perdante de sorte qu'en pratique, la partie qui est condamnée à indemniser la victime (assurance...) rembourse les frais d'expertises avancés par la victime.

2. Devant la CIVI (infractions pénales) ou les CCI (responsabilité médicale)

L'expertise est gratuite pour la victime qui n'a pas à faire l'avance des frais d'expertises qui sont pris en charge par le trésor public.

3. Dans le cadre des accidents du travail ou des maladies professionnelles

Les frais sont avancés par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie, qui peut ensuite récupérer ces frais auprès de l’employeur si la responsabilité de celui-ci est retenue pour faute inexcusable dans l'accident ou la maladie.

4. Dans une procédure amiable :

Les frais sont pris en charge par l’organisme payeur, en général, c'est l'assurance désignée par les autres assurances pour prendre en charge l'indemnisation qui prends à sa charge les frais du médecin conseil d'assurance qui est désigné pour examiner la victime et rédiger le rapport d'expertise.  

Cela est par exemple le cas s'agissant des accidents de la circulation relevant de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation ou d'un accident de la vie lorsque la victime est couverte par une garantie accident de la vie (GAV).

Comment est calculé le préjudice corporel ?

L'indemnisation des victimes corporelles répond au principe de réparation intégrale sans perte ni profit qui prescrit une indemnisation individualisée, à l'exclusion de toute idée de standardisation. Face à la difficulté de mettre des chiffres sur des souffrances qui les réparent jamais, plusieurs référentiels font référence et la jurisprudence offre des points de repère à l'avocat en situation de chiffrer une demande d'indemnisation.

La fixation du montant définitif de l'indemnisation n'est possible qu'une fois la date de la consolidation de la victime connue. L'expertise médical est l'élément principal qui permet à l'avocat, au payeur (assurance, fonds de garantie, responsable) et le cas échéant au juge judiciaire ou administratif d'estimer poste par poste le montant de l'indemnisation grâce au recours combiné de plusieurs référentiels qui proposent des méthodes de chiffrage et des éléments propres à la situation de chaque victime.

Sur chaque poste retenu par le rapport d'expertise, des méthodes d'évaluations sont proposées en fonction de chaque situation, certains postes étant retenus dans leur principe, et d'autres quantifié notamment par une cotation sur une échelle de 1 à 7 (souffrances endurées, esthétique...).

Les postes de préjudices indemnisés sont notamment :

  • Les préjudices patrimoniaux temporaires  : perte de gains professionnels de la victime, dépenses de santé
  • Les préjudices extra patrimoniaux temporaires : déficit fonctionnel temporaire, souffrances endurées par la victime, préjudice esthétique temporaire
  • Les préjudices patrimoniaux permanents : Dépenses de santé, assistance par tierce personne, perte de gains professionnels , incidence professionnelle
  • Les préjudices extra patrimoniaux permanents : déficit fonctionnel permanent, préjudice d'agrément, préjudice sexuel, préjudice d'établissement de la victime

Conclusion : Anticiper pour mieux défendre ses droits

L’expertise médicale est une étape clé dans le processus d’indemnisation d’un préjudice corporel. Elle détermine l’ampleur du dommage subi et influence directement le montant de l’indemnisation.

L’objectif de l’expertise médicale est d’aboutir à une indemnisation juste et complète. En étant bien informée et accompagnée, la victime maximise ses chances d’obtenir une réparation à la hauteur des préjudices subis.

Pour une victime, il est essentiel de bien se préparer afin que l’expertise reflète fidèlement la réalité de son état et les conséquences de son dommage.

Pour résumer, voici quelques conseils essentiels pour éviter les pièges liés à l'expertise médicale :

  • S’entourer de professionnels compétents : Un avocat spécialisé en réparation du dommage corporel et un médecin-conseil de victimes permettent de garantir une expertise plus équilibrée et complète.
  • Préparer son dossier médical : Regrouper tous les documents utiles (comptes rendus médicaux, examens, attestations) et lister précisément les douleurs, séquelles et impacts sur la vie quotidienne.
  • Être précis et détaillé lors de l’examen : Expliquer clairement les souffrances et les limitations fonctionnelles, sans minimiser ni exagérer, afin d’éviter une sous-évaluation du préjudice.
  • Vérifier le rapport d’expertise : En cas d’erreur ou d’omission, il est possible de demander des corrections ou de solliciter une contre-expertise.

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